Source : Europe 1
H. a découvert la pornographie au début de son adolescence. Sa consommation, devenue quotidienne avec l’arrivée des plateformes de visionnage en ligne, a fini par bouleverser sa vie sentimentale et avoir des conséquences sur sa libido. Au micro d’Olivier Delacroix, sur Europe 1, il a choisi de raconter anonymement parcours pour se débarrasser de cette addiction.
« J’ai commencé à l’âge de 13 ans en tombant par hasard sur une cassette VHS de mon frère. Je me suis senti dégoûté et en même temps excité, fasciné par ça. Au fur et à mesure, j’ai commencé à consommer de plus en plus. En 2006, avec l’apparition des sites de pornographie en streaming, accessibles en illimité et gratuitement, ma consommation est devenue quotidienne.
[…]
Il y avait cette transe ou l’on est dans la recherche de la scène parfaite pour avoir l’orgasme, ça peut durer des heures. [c’était un moyen] d’échapper à [m]es problèmes, à la réalité.
[…]
C’était aussi un moyen de dormir le soir. J’allais là-dessus. C’était un faux moyen, avec un coté anesthésiant, car je suis quelqu’un de nature anxieuse et stressée. C’était une sorte de médicament pour moi.
Très vite, cette obsession pour la pornographie a commencé à impacter sa vie sentimentale…
Avec ma première copine, j’ai eu des problèmes d’érection. Au début je n’ai pas fait le lien avec le porno. Je suis allé sur le net. J’ai commencé à chercher et j’ai vu que ça pouvait être la cause de mes problèmes d’érection.
Ayant consommé beaucoup de porno, j’avais beaucoup d’images en tête, des images hard. Ma copine ne m’excitait pas autant que les films. Je me cachais pour aller voir ces films. Je me sentais coupable de ne pas lui avouer. Ça me pesait lourd. Je me sentais impuissant… dans tous les sens du terme.
En 2016, H. a finalement décidé de se reprendre en main et de commencer un sevrage.
Je me suis beaucoup renseigné sur le sujet, j’ai lu des livres sur la psychologie. J’ai vu aussi des vidéos sur Internet de personnes qui avaient fait un sevrage, des Américains surtout. Il y a beaucoup de personnes américaines qui abordent ce sujet, alors qu’il reste très tabou en France.
J’ai arrêté ma consommation. J’ai commencé à noter les choses qui pouvaient me pousser à rechuter : de mauvaises pensées, les émotions négatives, les déclencheurs émotionnels ou mêmes des choses que je pouvais voir à la télé comme des clips de rap ultra-sexuels. Tout ça, j’ai arrêté.
Je suis allé sur un forum où j’ai pu en discuter. La clé, c’est de ne pas rester seul. Quand on est seul, on a cette honte, et l’important c’est de casser cette honte, de casser l’isolement, d’en parler.
Libéré de son addiction, il sait toutefois qu’elle continuera encore à planer longtemps sur lui, comme une épée de Damoclès…
Je me sens très bien. Je reste toujours vigilant par rapport à ça, un peu comme un alcoolique qui ne boira pas de bière light. […] J’ai accepté cette faille en moi. […] Je suis fragile à vie, j’ai accepté mes faiblesses pour avancer, pour m’améliorer et puis pour garder un équilibre.
Avec ma compagne, les relations sexuelles se passent très bien. J’ai aussi un petit garçon. Nous sommes très proches. »
L’avis de l’expert
L’addiction à la pornographie est une variante de l’addiction sexuelle, comme l’explique auprès d’Europe 1 Laurent Karila, addictologue à l’hôpital Paul-Brousse de Villejuif. « Il y a différentes formes d’addiction dans l’addiction sexuelle. Et parmi ces formes-là, on a les activités sexuelles en ligne, dont la pornographie en streaming sur Internet », relève-t-il. « La disponibilité des supports sexuels sur Internet à fait exploser les addictions sexuelles », observe ce spécialiste.
Pour lui, les symptômes d’une addiction doivent répondre à « la règles des 5 c » : « un usage continu avec des compulsions, un craving (terme anglais qui désigne une envie irrésistible de consommer, ndlr), une perte de contrôle et des conséquences physiques et sociales ». L’addiction trahit généralement une perturbation du développement cérébral au moment de la puberté, elle peut être favorisée par le terrain génétique du sujet, explique encore Laurent Karila. L’obsession en elle-même peut également s’accompagner de troubles psychologiques « comme être plus déprimé ou anxieux. »
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