La pornographie sur Internet, ce sont aussi des visages, des milliers de visages appartenant à des êtres de chair et de sang : des actrices dont le système exploite la misère et la soumission, aux victimes de « revenge porn » dont les images intimes sont mises en ligne de manière malveillante. Dans un anonymat tout relatif, puisque les progrès de la reconnaissance faciale annoncent la possibilité d’identifier bientôt chaque visage. Si ce n’est déjà fait…
Le site d’informations Konbini, taillé sur mesure pour les 18-30 ans, rapporte qu’un utilisateur anonyme « se vante d’avoir mis au point un système de reconnaissance faciale capable d’identifier les profils de réseaux sociaux de femmes à partir de leur visage sur des plateformes de contenu pornographique de type Pornhub ».
Un algorithme pour relier l’actrice de porno
à ses profils sur les réseaux sociaux
Grâce à cet algorithme à l’existence non confirmée, mais concevable, il serait possible à n’importe quel utilisateur (client ?) de vérifier si sa femme, sa copine, sa voisine a déjà fait du porno.
Le génial inventeur du système l’a présenté par un court message sur le réseau social chinois Weibo, où l’a découvert un étudiant de Stanford, Yiqin Fu, raconte Konbini. 6 mois de travail, 100.000 gigaoctets de données « aspirées » sur les plateformes X : les images récupérées auraient déjà permis d’identifier plus de 100.000 actrices en les comparant avec les bases d’images de Facebook, Instagram, TikTok, Weibo et d’autres.
Le mystérieux programmeur, qui affirme se trouver en Allemagne, a assuré par la suite qu’il n’avait rien publié, que sa base de données n’est pas accessible au public et que de toute façon le travail sexuel est légal dans son pays. Sans doute, mais la diffusion de données biométriques ne l’est pas – la loi européenne RGPD est censée protéger les internautes de ce type d’exploitation – et il se peut que le petit malin qui espérait se faire quelque argent ait pris peur.
La reconnaissance faciale systématique
des actrices de films pornographiques
Reste que l’opération de reconnaissance faciale croisée à partir de données qui sont toutes largement accessibles sur Internet est théoriquement possible. Les algorithmes ne demandent qu’à progresser en efficacité, annonçant l’arrivée à grands pas d’un Meilleur des mondes où la surveillance sera universelle.
Avec un double risque : celui de l’utilisation des données par les pouvoirs publics, désormais à même de créer un gigantesque camp de concentration digital où chaque geste, chaque déplacement et même chaque pensée pourra être traqué… Et celui de l’exploitation par des particuliers sans scrupules prêts à monnayer la connaissance qu’ils peuvent avoir des faits et des méfaits de chacun.
Consentantes ou non, on connaît déjà
les victimes futures d’un système imparfait
L’existence d’un tel algorithme de reconnaissance facile appliquée à l’immense réservoir d’images des films et vidéos pornographiques en ligne permettrait aussi aux femmes victimes de « revenge porn » ou – pire ? – celles dont les traits auraient été intégrés par d’autres logiciels sophistiqués dans des séquences pornographiques auxquelles elles n’auraient participé ni de près, ni de loin, permettrait de repérer et faire cesser ces abus.
Certes. Mais à quel prix ! Celui d’une traque généralisée et systématique…
La mauvaise nouvelle, c’est que cette traque, même si elle reste à parfaire en attendant l’amélioration des techniques de reconnaissance faciale, qui est aujourd’hui loin d’être au point lorsqu’elle est utilisée seule, est bel et bien possible. On n’aura jamais de garantie quant à la non-utilisation ou à la limitation de ces techniques. Sans compter qu’on peut aujourd’hui produire de fausses séquences pornographiques en y intégrant n’importe quel visage…
En revanche, pour ce qui est de la pornographie, plusieurs urgences s’imposent. Ne pas en consommer ; ne pas y participer ; refuser toute prise d’images dans des situations d’intimité. Il n’y a pas de bon porno !
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