La consommation de pornographie a, du fait même de son objet, une structure particulière. La consommation de porno est propice au « binge-watching » et à la surconsommation. Un des principaux dangers est l’impression que la dématérialisation rend le porno écolo, c’est pourtant se méprendre sur une situation qui empire avec la consommation de plus en plus répandue de contenus pornographiques. Et en effet, quand on sait que 1/3 des flux internet sont liés directement à la pornographie, on peut déjà s’imaginer que le poids écologique du porno est particulièrement lourd.
La cause environnementale est, ces dernières années, le sujet à ne pas rater pour les grandes entreprises. Toutes les divisions marketing des entreprises s’y mettent, il est indispensable pour une entreprise qui veut avoir une bonne image auprès des consommateurs, d’apparaître comme une structure luttant pour l’environnement.
Et, comme toute industrie, l’industrie du porno dépense une certaine quantité de dollars à soigner son image. Et quand on pèse 97 milliards de dollars, il y a de quoi monter de sacrées opérations marketing.
Le danger de la communication commerciale
Ainsi, par exemple, le site Pornhub, plus grand site pornographique au monde, a lancé sa propre offensive de communication environnementale. Le 27 août dernier, la chaîne YouTube de Pornhub a posté une vidéo intitulée “Le porno le plus sale de tous les temps”. La vidéo s’attarde sur une plage noyée de déchets et émet des avertissements sur l’état de la planète, avant évidemment de mettre en scène l’intimité d’un couple. L’entreprise assure que pour chaque visionnage de cette vidéo, elle donnera une somme à Ocean Polymers, une ONG qui lutte contre la pollution maritime. L’image « cool » d’une industrie du porno, inscrite dans l’air du temps et moderne, récolte de très nombreux commentaires élogieux de ses fans en réaction à cette vidéo. L’effet est donc réussi.
Le site pour adultes avait déjà lancé d’autres opérations du même genre (Beesexuel, Give America Wood, Panda Style…). Mais le danger de ces opérations de propagande est de donner l’impression que cette industrie ne pollue pas, qu’elle ferait même du bien à l’environnement. Or, à côté des dégâts causés par l’immensité des flux internet du porno sur l’environnement, les opérations séduction comme « Le porno le plus sale de tous les temps » font figures de lilliputiens. C’est la spécificité du porno : à cause du caractère honteux de son visionnage, la pornographie est trop souvent oubliée dans les médias et notamment pour son rôle en tant qu’industrie polluante, alors même que son ampleur est exponentielle.
Dématérialisation et explosion de la consommation
Le poids écologique de la pornographie résulte évidemment des matériaux utilisés lors des tournages mais surtout du mode de visionnage.
On pourrait penser que le passage de la pornographie matérielle (DVD, magazines, etc…) à la pornographie dématérialisée a eu un impact positif sur l’environnement. Et pourtant, si le coût par heure de visionnage pour l’environnement a baissé, la consommation sur internet a tellement explosé que son coût global a lui aussi dramatiquement augmenté. Les serveurs de streaming à refroidir, le routeur à la maison et tout le matériel qui nous connecte à internet, les batteries des ordinateurs, téléphones, tous ces éléments utilisent de l’énergie et, pour chaque vidéo que vous regardez sur internet, de l’énergie est consommée et rejetée dans l’atmosphère.
Le principal site de pornographie, Pornhub a revendiqué 33 milliards de visites en 2018, soit 5 visites par habitant de la planète. Alors qu’auparavant, la pornographie devait être achetée au coup par coup (magazines, DVD), aujourd’hui, elle est à la portée de tout le monde sur son téléphone. Son usage a donc dramatiquement explosé. C’est ainsi que Adam Grayson, directeur financier de l’entreprise Evil Angel (qui a vu le passage du DVD à l’internet), estime qu’il y a eu une hausse de consommation de leurs productions pornographiques, depuis le passage au streaming, de l’ordre de 7.000%.
La pornographie est omniprésente sur internet, nous nous évertuons à le dire et certaines statistiques sont particulièrement éloquentes. Par exemple, 35% de tous les téléchargements sur internet sont liés à la pornographie, ou encore, 25% des requêtes sur les moteurs de recherche sont des recherches de pornographique. D’où l’adage répandu dans les milieux tech : l’internet a été créé pour le porno.
Un coût écologique chiffré et particulièrement lourd
Récemment, un groupe de réflexion français The Shift Project a publié un rapport qui a fait du bruit, notamment aux Etats-Unis, pour le coût écologique qu’il liait à la pornographie. Ce rapport avait des conclusions statistiques simples : l’ensemble des vidéos en ligne représente 1% des émissions de dioxyde de carbone mondiales et environ un quart de ces émissions est du aux vidéos pornographiques.
Le total chiffré s’élève donc à 80 millions de tonnes de CO2. De manière imagée, cela correspond 400 000 grandes baleines bleues, tout ça en CO2. Pour se donner un autre ordre de grandeur, si le porno sur internet n’existait pas, le total de CO2 à retirer de l’atmosphère chaque année serait équivalent aux rejets annuels de CO2 de la Belgique.
Autre indicateur de consommation d’énergie, la dépense en électricité. Nathan Ensmenger, professeur à l’Université d’Indiana, a calculé que si le site Pornhub atteignait le niveau de consommation d’énergie de Netflix (ce qu’il estime être une estimation très optimiste), il utiliserait près de 6 TWh/an pour 2016. A titre de comparaison, la France, pour l’ensemble de sa production énergétique, consommerait 150 TWh/an. La France dépenserait donc 25 fois plus d’électricité que le site porno. Cette différence semble quand on imagine que la France fait fonctionner l’ensemble de ses infrastructures, les dépenses de l’Etat, les dépenses des entreprises et des particuliers avec cette somme. Par-dessus le marché, Pornhub a beau être le plus gros site de pornographie en ligne, il est très très (TRES) loin d’être le seul.
Des habitudes à changer
Il faut donc avoir à l’esprit, pour chaque vidéo visionnée sur internet, que cette consommation n’est pas sans conséquences également pour la planète. De manière générale, regarder moins de vidéos, désactiver la lecture automatique et baisser la résolution de nos vidéos YouTube sont des solutions.
La dématérialisation a ceci de pervers qu’elle donne l’impression à ses consommateurs de ne pas consommer d’énergie : « tout est dans le cloud, pas besoin de s’y intéresser ». Ne nous-y trompons pas, consommer de la pornographie coûte particulièrement cher à l’environnement. Les contenus visionnés sur un ordinateur ou un téléphone ont un coût, et ceux qui se partagent la facture sont la planète, le cerveau du consommateur (voir un de nos articles sur le sujet) et ses relations affectives.
Pour se sauver et sauver ses proches, ne reste qu’une seule solution : arrêter, nettement ou progressivement selon les profils, toute pornographie.
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