L’Amérique du Nord compte de nombreux acteurs de la lutte contre la pornographie. On y trouve des militants de tous bords, et même parfois des promoteurs repentis ou des victimes, sur ce continent qui concentre une bonne partie de la production mondiale.
Comme en France, le combat contre la pornographie ne date pas d’hier, mais il prend une connotation particulière au Canada depuis les révélations fracassantes sur MindGeek et ses plateformes. Le géant du porno, hébergé à Montréal, est en outre accusé de laisser diffuser des contenus criminels, selon plusieurs témoignages. La société civile et les politiques canadiens ont ainsi décidé de réagir.
Montréal, nouveau hub du porno ?
Le Canada a la particularité d’héberger MindGeek, numéro 1 mondial du porno. Cette multinationale détient les plus grosses plateformes pornographiques, comme Pornhub ou YouPorn. Et c’est dans la province francophone du Québec que se constitue une nouvelle « vallée du porno » : Montréal en est la capitale, le hub.
Les responsables de MindGeek ont avancé deux raisons à ce choix. D’une part, Montréal aurait une forte concentration d’ingénieurs et de spécialistes de la tech, indispensables aux plateformes pornographiques. En effet, les contenus sont en partie produits et analysés par des algorithmes, dont l’unique objectif est de « satisfaire » et de rendre accro les consommateurs. D’autre part, Montréal est connue pour être une ville libérale et permissive en matière de moeurs. Ainsi, l’entreprise et ses employés bénéficieraient d’une forme d’acceptabilité sociale liée à leur activité.
Fort heureusement, la société civile nord-américaine, et plus particulièrement canadienne, s’oppose fortement à cette industrie .
Une forte mobilisation de la société civile contre la pornographie
En 2019, la campagne TraffickingHub est lancée aux Etats-Unis contre Pornhub, plus gros site porno au monde. Elle est menée à l’initiative d’une coalition d’associations chrétiennes et féministes qui se sont engagées contre la pornographie ou la prostitution. Ce groupe de coalisés accuse Pornhub de diffuser et de monétiser des viols et des vidéos volées. Depuis plusieurs années déjà, l’industrie pornographique est secouée par des histoires glauques, comme le viol puis le suicide d’August Ames, une actrice de 23 ans.
Les militants nord-américains de la cause anti-porno intensifient leurs actions virtuelles ou physiques tout au long de l’année 2020. A cette fin, les médias commencent à parler de la campagne TraffickingHub. Leur pétition contre Pornhub est diffusée dans le monde entier et atteint plus de 2 millions de signatures (voirICI). Les manifestations devant le siège de MindGeek à Montréal sont fréquemment relayées par la presse.
L’article du New York Times, publié le 4 décembre 2020, intitulé les enfants de Pornhub(The Children of Pornhub)achevera de convaincre l’opinion publique et les politiques de réagir contre l’industrie pornographique.
Une réaction politique
Dès 2016, un député conservateur du Canada, Arnold Viersen, dépose une motion sur les effets de l’exposition des mineurs et des adultes aux contenus pornographiques. Un premier rapport parlementaire est rendu sur le sujet et le gouvernement y répond(voir les détails ICI). Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’y a rien de très convaincant : le rapport est détourné de son objectif pour d’autres considérations politiques.
Le 8 mars 2020, Julie Miville-Dechêne, sénatrice canadienne, rejoint une manifestation devant les bureaux montréalais de MindGeek. Elle s’exprime alors aux médias pour partager les préoccupations des manifestants. En septembre, la sénatrice présente un projet de loi pour bloquer l’accès des mineurs aux sites pornographiques.
Après les révélations du New York Times, le gouvernement canadien a demandé à la Gendarmerie royale du Canada (GRC) d’offrir son aide aux autorités québécoises contre MindGeek. Dans le même temps, le parlement canadien a lancé une enquête contre Pornhub, invitant les parties prenantes du monde entier à se prononcer : l’association Stop au porno a publié un bref mémoire dans lequel nous demandons aux autorités canadiennes ne pas collaborer contre ce géant du porno (voir notre note ICI). En mars 2021, 73 parlementaires canadiens ont officiellement demandé à l’autorité judiciaire d’engager une enquête criminelle contre MindGeek. Le gouvernement québécois a déjà pris des mesures contre le géant du porno, notamment en mettant fin à des crédits d’impôts.
Le raison du succès du combat anti-porno au Canada tient, selonPierre Beauregard(notre référent local), à sa dimension transpartisane : une voie à suivre ?