L’école ne protège nullement du tsunami pornographique : c’est d’ailleurs l’inverse qui s’est passé près de Perpignan où des écoliers ont eu accès à des contenus pornographiques, en décembre 2020, sur les ordinateurs de l’établissement scolaire. L’association Stop au porno a mené son enquête.
Tout d’abord, retour sur les faits tels que présentés par la presse :
- Des élèves de CM2 ont au accès à des contenus pornographiques sur les ordinateurs de la classe d’informatique. Les faits se sont produits à Vinça, à une trentaine de kilomètres de Perpignan (Pyrénées-Orientales).
- Les parents d’un élève ont rapidement déposé une main courante au commissariat de Perpignan. De son côté, l’école a adressé une lettre aux parents d’élèves, se disant « navrée » de l’incident. Un psychologue a également été envoyé sur place.
- L’inspection académique, qui a ouvert une enquête, a évoqué pour « une erreur technique ».
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La petite enquête de Stop au porno
Notre association, qui existe justement pour alerter sur ce genre de drames, a posté des messages sur les réseaux sociaux afin d’être contactée par une personne impliquée dans l’affaire. Nous avons reçu un message de parents d’un élève scolarisé dans l’établissement primaire de Vinça : ils nous ont raconté leur version.
1. Selon ces parents, les enfants s’échangeaient des messages sur un service de messagerie dédié à l’éducation et sur lequel le responsable informatique a en principe la main. Stop au porno a pu consulter plusieurs de ces messages. Certains enfants recommandaient des mots-clefs à taper dans le moteur de recherche afin de trouver des contenus sexuels. Et ils sembleraient que plusieurs enfants – une dizaine environ – aient effectivement réalisé ces recherches.
Les résultats à caractère pornographiques n’étaient a priori pas filtrés : des enfants ont vraisemblablement vu des images ou des vidéos pornographiques. Nous affirmons tous ces éléments car nous avons eu accès à des preuves.
Les parents concernés nous ont expliqué ne pas avoir été pris au sérieux par l’école (qui a d’ailleurs découvert ces faits grâce à des parents d’élèves) : Stop au porno leur a proposé de porter plainte et de financer les services d’un avocat. Ces derniers ont décliné l’offre pour préserver leur enfant. Ils nous ont également dit qu’ils avaient décidé de retirer leur enfant de l’école afin qu’il suive une scolarité à la maison.
2. De son côté, l’école a organisé une réunion avec plusieurs responsables éducatifs et locaux : ils ont mené leur propre enquête et ont fait un compte-rendu à tous les parents. L’école affirme que de nombreux enfants de CM2 (les autres classes ne sont a priori pas concernées) ont effectivement fait des recherches pour des contenus sexuels. La plupart des recherches auraient été bloquées, sauf sur deux ordinateurs où le système de sécurité n’a pas fonctionné. En vérifiant l’historique, ils ont conclu qu’un enfant seulement avait pu voir une image pornographique. Rien n’indiquerait qu’une vidéo pornographique ait pu être visionnée, contrairement à ce qu’affirment les médias.
Le seul problème est qu’il est impossible d’en avoir la certitude, que l’école dise la vérité ou non : un enfant peut tout à fait supprimer l’historique de navigation manuellement.
Enfin, l’école a précisé qu’un psychologue avait été mis à disposition des enfants. Les parents ont contesté cette présentation des faits et ont plutôt parlé d’une minimisation de la part de l’école.
3. Pour éclaircir toute cette affaire, et boucler son enquête, Stop au porno a envoyé un courrier recommandé à la rectrice de l’Académie de Montpellier et à Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Education Nationale. Nous n’avons reçu aucune réponse, ce qui est plutôt inhabituelle.
Une affaire grave et des questions
Nous serons tous d’accord pour dire qu’il est inconcevable que des enfants puissent voir des images pornographiques à l’école (ou ailleurs), notamment sur le matériel de l’établissement. Dans le cas présent, il est admis qu’au moins un enfant a vu un contenu pornographique. Quid des camarades qui étaient assis à côté de lui et qui ont très certainement vu son écran ? Nous pourrions raisonnablement multiplier ce chiffre par 3 ou 4.
Il est également admis qu’au moins deux ordinateurs permettaient de voir librement de la pornographie et qu’une dizaine au moins a effectivement essayé de rechercher ce type de contenu. L’historique des recherches et les messages échangés sur la messagerie éducative démontrent ces faits. Nous posons les questions suivantes :
- Pourquoi le responsable informatique ou l’école, tous deux garants de la sécurité et de la santé des enfants, ne sont-ils rendu compte de rien ? Soit ils ont eu connaissance des faits avant que les parents ne soient au courant, soit ils n’ont rien vu. Dans les deux cas, c’est très grave. Notons que la seconde hypothèse, la plus vraisemblable, dénote une irresponsabilité totale de la part de l’école. Vérifier les messages échangés entre les élèves (sur une messagerie ouverte) et l’historique de navigation devrait être une formalité pour l’équipe pédagogique.
- Pourquoi les systèmes de sécurité ne sont pas vérifiés avant chaque cours d’informatique ? Cela peut paraître fastidieux, mais il s’agit de protéger les mineurs de contenus ultra néfastes pour eux : l’image pornographique s’incruste dans la tête de l’enfant pour toujours.
- Enfin, et l’on peut se poser la question pour toutes les écoles, est-il utile que des enfants surfent librement sur internet ? Cette possibilité a-t-elle une finalité pédagogique claire et précise ?
Cette affaire démontre une fois de plus les ravages du fléau pornographique. De nombreux parents ou enseignants ne sont pas conscients des dangers considérables qui pèsent sur les enfants, notamment s’ils ont accès sans limite aux écrans et à internet. Les études démontrent d’ailleurs que 90 % des mineurs ont déjà été exposés à du porno, et le plus souvent avant l’âge de 12 ans.
Stop au porno lutte contre la pornographie depuis sa création en 2018. A ce titre, elle invite toute personne soucieuse de la protection des mineurs à la rejoindre dans son combat.