Théo est coach en rétablissement de porno-dépendance depuis 2019. Son site goodbyeporno.fr est devenue une référence en la matière. Il a accepté de répondre aux questions de Stop au porno.
1 – Bonjour Théo, tu es un coach qui aide les gens à sortir de l’addiction à la pornographie. Peux-tu nous présenter ton activité ?
Je suis coach en rétablissement de porno-dépendance depuis 2019. J’aide principalement les hommes à reprendre le contrôle de leur dépendance ou de leur rapport compulsif à la pornographie, à la masturbation ou autres comportements sexuels.
Le solutions que je propose sont diverses et variées : vidéos YouTube, programmes vidéo en ligne et accompagnement/coaching privé en ligne.
2 – Sur ton site internet et ta chaîne YouTube, tu racontes ton addiction passée à la pornographie et les souffrances qu’elle a engendrées. Peux-tu nous parler de ce moment de ta vie et le déclic que tu as eu pour en sortir ?
J’ai regardé ma première vidéo porno sur internet vers 13 ans en tapant par curiosité des mots clés liés au sexe. Ensuite, j’ai progressivement commencé à en regarder et à me masturber jusqu’à l’orgasme devant 1x par semaine, puis 2, puis 3, c’est rapidement monté en flèche à tel point que je consommais à certaines périodes de façon quotidienne, et plus rarement jusqu’à 3 à 5 fois par jour.
Les contenus que je visionnais devenaient de plus en plus hard, violents, déviants, moralement questionnables/inacceptables. Les images que je voyais mettaient souvent en scène des femmes violentées, abusées, soumises, au service total de l’homme et de ses désirs et fantasmes sexuels.
Pendant toutes ces années, je ne me suis jamais vraiment remis en question par rapport à ma consommation car je pensais que c’était une pratique normale pour un homme de mon âge. Ce n’est qu’à partir de mes 22 ans, dès lors que j’ai commencé à me questionner quant à la source des problèmes sexuels dont je souffrais (difficultés d’érection et incapacité d’atteindre l’orgasme dans les rapports sexuels, fantasmes sexuels violents, multiplication obsessionnelle des partenaires sexuelles…), que j’ai pu prendre conscience que le porno était en fait un véritable problème. J’ai alors entrepris un processus de sevrage et de rétablissement pour me libérer de la pornographie et reprendre le contrôle de ma vie.
3 – Les jeunes d’aujourd’hui sont la première génération à avoir un accès massif à la pornographie, devenue gratuite, instantanée et illimitée. Es-tu d’accord pour dire qu’il s’agit d’un drame dont les conséquences sont encore sous-estimées ? D’ailleurs, quel est ton regard sur le libre accès des jeunes au porno ?
En France, les méfaits de la pornographie sont à mon sens encore trop sous-estimés, que ce soit envers les jeunes comme envers les adultes. De plus, dans sa forme actuelle (gratuite, instantanée et illimitée), la pornographie provoque des dégâts cérébraux monstrueux (pour en savoir plus, je vous invite à visiter le site Your Brain on porn (https://www.yourbrainonporn.com/fr). Et chez les jeunes c’est encore pire. Car lorsque l’on est jeune, notre cerveau est très malléable, ce qui veut dire qu’il change facilement sa structure face aux stimulations qu’il reçoit. Donc, plus l’on consomme du porno étant jeune, et plus les dégâts seront grands et difficiles à guérir à l’âge adulte. De la même manière qu’à force d’emprunter les mêmes chemins en forêt nous traçons des sentiers qui ne s’effacent plus malgré les intempéries, le porno laisse des « traces » dans notre cerveau qui deviennent de plus en plus ancrées, profondes et difficilement effaçables.
De mon point de vue, l’accès aux sites pornographiques devrait donc a minima, être complètement inaccessible aux mineurs. Et ce n’est pas qu’une question de morale, mais également de santé mentale et physique !
4 – Au-delà même des films pornographiques « conventionnels », penses-tu que notre culture, avec par exemple des séries, de la musique ou des publicités souvent orientés vers la sexualité, favorise l’addiction au porno ?
Je remarque que, de plus en plus, notre culture développe un côté « hypersexualisé ». Les réseaux sociaux, les affiches publicitaires, les séries, les musiques, et bien d’autres encore, tous ces contenus mettent de plus en plus en avant la sexualisation des femmes et des hommes. On y voit de plus en plus des actes sexuels non censurés ou bien des corps de plus en plus dénudés…
Je pense que tous ces éléments nous habituent à être sans cesse stimulés sexuellement. On pense, on écoute, on lit, on voit et on parle de plus en plus « sexe ». Par conséquent, le besoin d’être sexuellement stimulé se fait de plus en plus grand. Pour combler ce besoin, la pornographie est une solution simple, rapide et accessible vers laquelle on peut se tourner facilement. Et si ensuite, à force de répétition, le besoin d’être stimulé sexuellement devient obsessionnel, alors l’on peut se tourner encore et encore vers la pornographie et effectivement développer une dépendance.
5 – Quels conseils simples et pratiques pourrais-tu donner à un lecteur porno-dépendant ou à l’un de ses proches ?
Se libérer de la dépendance à la pornographie n’est pas une mince affaire qui reposerait simplement sur la volonté, le comptage de jours d’abstinence ou la mise en place d’un bloqueur. Cela demande tout d’abord d’admettre et d’accepter pleinement que l’on a un problème avec la pornographie. C’est ensuite seulement que l’on peut prendre sérieusement en main le problème et le régler. Pour vous aider à cela, voici quelques conseils de base qui sont à mon sens très importants à suivre :
- Créez-vous un environnement sain et libéré de toute forme de contenu sexuel. Nettoyez tout le matériel/contenu lié à la pornographie, à l’érotisme ou au sexe que vous pourriez encore posséder chez vous ou dans vos appareils électroniques.
- Entourez-vous. Trouvez un groupe de soutien dans lequel vous allez rencontrer des personnes qui partagent le même but que vous et avec lesquels vous pourrez échanger et vous soutenir.
- Identifier vos déclencheurs. Réfléchissez aux situations qui vous poussent à avoir envie de consommer du porno et trouvez une solution alternative pour éviter de vous y confronter. Dans le cas où vous ne pouvez pas les éviter, alors trouver une solution alternative pour les gérer de manière saine et raisonnable.
- Améliorer votre hygiène de vie. Un bon sommeil, une bonne alimentation et de l’activité physique régulière font toute la différence dans le processus de rétablissement.
- Cherchez de l’aide. Je sais que nous les hommes, nous avons souvent tendance à vouloir tout contrôler et à vouloir régler nos problèmes par nous-même. Toutefois, force est de constater que la dépendance à la pornographie impacte de nombreux domaines de notre vie et nous transforme au plus profond de nous-même, sans que l’on en soit conscient. Un point de vue et une aide extérieure peuvent alors être très utiles pour mettre en lumière les freins et les blocages qui nous empêchent d’avancer.
6 – Un mot d’espoir pour la fin ?
Je le vois quotidiennement, de plus en plus de consciences s’éveillent au sujet des dangers de la pornographie et se remettent en question quant à leur consommation. Je pense donc qu’il est important de continuer, progressivement, à apporter nos pierres à l’édifice, pour démocratiser le plus possible les connaissances au sujet de la porno dépendance.
Aussi, parmi les personnes que j’accompagne, je rencontre souvent des hommes qui se sentent perdus et seuls car leur entourage ne les comprend pas. Si vous êtes dans cette situation, comprenez bien que vous n’êtes pas seul. Il existe des tas de personnes dans le même cas que vous, seulement ils se font discrets, probablement tout comme vous. Avoir développé une dépendance ou un rapport compulsif à la pornographie ce n’est pas être un pervers, être bizarre ou être anormal, c’est une dépendance comme une autre qui vient s’accrocher aux instincts primitifs de l’homme : le sexe. Faites la paix avec cela, acceptez votre problème, travaillez à le résoudre, et vous vivrez dans quelques temps une vie rayonnante, joyeuse et épanouissante, je vous le garantis !