L’association Stop au porno ne partage pas toutes les analyses de Romain Roszak, mais elle salue le travail de fond qu’il a a réalisé sur l’ampleur du phénomène pornographique. Et nous invitons nos lecteurs à lire l’interview éclairante qu’il a donné au magazine Marianne.
Marianne : Les statistiques récentes révèlent que l’activité sexuelle des Français a tendance à baisser au fil des décennies. Voyez-vous cette diminution du nombre de rapports sexuels comme un des effets de la consommation de pornographie ou au contraire une des explications du recours à celle-ci ?
Romain Roszak : C’est une question difficile à trancher sur la base d’une simple corrélation. Michela Marzano – philosophe italienne – fait le lien, quand elle explique la manière dont la pornographie se sert du vieux clivage de la sainte et de la putain, et entretient l’immaturité affective. Ses adversaires lui opposent que la normalisation et la diversification de ces images contribuent à l’effacement de ce clivage. La baisse de l’activité sexuelle, ils n’en parlent pas beaucoup. Ils laissent ça à des romanciers qu’ils méprisent, comme Michel Houellebecq.
Une chose, à mon sens, nous permet de trancher : c’est que faire l’amour, à deux ou à quinze, ça ne produit aucune valeur… Et qu’en conséquence, il y a toute une armée de VRP de la sexualité qui ont mis le pied dans la porte – pour qui il est vital de nous exproprier de nos propres corps, d’accroître notre dépendance à des sources d’excitation externes, et notre admiration à l’égard des figures et des situations de la pornographie.
Mai 1968 a acté que tout était politique. L’avènement de la pornographie de masse semble acter que tout est sexualité. Comme devient floue la frontière entre vie personnelle et vie professionnelle, la disparition progressive de la frontière entre vie intime et vie sociale vous semble-t-elle entrer dans cette logique de brouillardisation qu’avait par exemple décrit Zygmunt Bauman dans La société liquide ? Il n’est absolument pas rare, de nos jours, par exemple, de parler de sexualité au travail ou en famille.
Je ne présenterais pas forcément les choses ainsi. Ce qu’on fait, dit ou désire dans l’intime est un produit du social, et la manière de diviser le privé et le public est elle-même historique. Que les frontières bougent n’est donc pas un problème en soi. Le problème tient plutôt au fait que le champ de l’intime – les pratiques sexuelles aussi bien que les discours qui les commentent – est assailli de prescriptions soufflées par le capital. Comprendre : par une industrie qui en moins d’un demi-siècle a achevé son processus de normalisation, au point qu’elle prétend offrir des produits de première nécessité…
Le problème n’est donc pas que « le social » vienne perturber les fausses évidences de l’intime. Quand les féministes obtiennent la reconnaissance du viol conjugal, et dessinent le système des conduites solidaires de la domination sexuelle, elles procèdent à une telle perturbation – mais en conscience, en lutte, dans une authentique perspective émancipatrice. Les défenseurs de « la liberté pornographique » dépolitisent au contraire des questions cruciales, en reprenant le lexique et les catégories libérales.
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