Le Parisien a publié un dossier consacré à l’exposition des mineurs à la pornographie, dans son édition du lundi 8 novembre 2021.
Voici un extrait :
« Elle n’avait « jamais vu ça ». Samia, infirmière scolaire en Seine- Saint-Denis, sonne l’alerte face à l’exposition des élèves à la pornographie, qui « com- mence de plus en plus tôt ». Cette année, pour la première fois de sa carrière, celle qui a sous sa responsabilité environ 1 800 élèves a mis en place des ateliers de sensibilisation pour des écoliers dès… 9 ans. « Auparavant, mes interventions étaient surtout au collège. Mais là, dès le CM 1, je dois intervenir. Parce que je me retrouve face à des petits qui parlent de fellation, de pénétration. Leur langage est cru, alors qu’à cet âge- là, ils devraient parler de bisous et de caresses. »
Il faut dire qu’à 12 ans, près d’un enfant sur trois a déjà été exposé à un contenu pornographique, selon un sondage OpinionWay, publié en 2018. « Le confinement, avec l’accès au téléphone portable, a exacerbé la situation, assure Samia, également secrétaire départemental du syndicat SNICS-FSU. J’ai clairement vu la différence quand les jeunes sont revenus en cours. »
Beaucoup de propos sexualisés
Comment ? « J’ai d’abord été saisie par ce que j’entendais dans les couloirs, en élémentaire. Il y avait beaucoup de propos sexualisés comme va sucer ailleurs, je voyais des enfants mimer une fellation en gonflant la joue. »
Lors d’interventions dans des classes, elle aperçoit « dans les cahiers, des dessins de pénis au milieu de seins nus ou de fesses. On parle d’élèves de primaire, et c’est aussi ce que me rapportent des collègues, souffle-t-elle. J’ai aussi remarqué une addiction au porno chez certains jeunes. Quand vous en avez qui vous disent regarder trois films pornos par jour, ça interroge, d’autant qu’ils minimisent la réalité. » Une autre de ses col- lègues se souvient de cette rédaction qui commençait par « j’ai envie de… » et dans laquelle une élève de CM2 a complété par « ton sexe dans ma bouche… ».
Cette accessibilité des contenus pornographiques, où l’image de la femme est régulièrement dégradée, n’est pas sans conséquence. « L’an der- nier, dans un collège où j’intervenais, j’ai appris que des élèves de 5ème jouaient au jeu de l’arc-en-ciel. Ça consistait, pour les filles, à mettre du rou- ge à lèvres, à pratiquer des fellations et à voir avec la trace laissée par le rouge à lèvres quel niveau elles avaient atteint », se souvient Hélène, infirmière scolaire à Marseille (Bouches-du-Rhône).
Samia et d’autres de ses collègues ne cessent de le marteler:« Il faut agir, et vite, il y a urgence. » D’autant plus que « ces vidéos, images porno- graphiques, les élèves n’ont pas besoin d’aller les chercher pour les visionner, le porno vient à eux », insiste Samia. Et sous différentes formes. « Ça peut être à travers des recherches sur Internet, des échanges d’images entre élèves via les réseaux sociaux, des films vus sur des plates-formes mais pas adaptés aux âges des enfants avec des scènes de sexe inappropriées pour les petits, ou encore par un parent qui télécharge pour l’enfant un film qui est détourné vers un porno, d’où l’importance de tout regarder avant de partager un contenu. Aucun élève n’est à l’abri. »