TRIBUNE. Un collectif réuni par les Associations familiales catholiques s’inquiète du « désastre psycho-éducatif » de la pornographie chez les jeunes et explore quelques pistes de solutions, des mesures politiques à l’éducation parentale.
La mise en demeure par le CSA, le 13 décembre dernier, de limiter efficacement l’accès des mineurs au contenu des cinq principaux sites pornographiques français, faute de quoi ceux-ci pourraient être bloqués, rappelle à quel point cette épidémie pornographique est dévastatrice auprès des plus jeunes. Mal-être, violence, harcèlement, addiction, rapports de domination, imposition de normes comportementales… la liste est longue et certainement encore à compléter quant aux effets de la pornographie sur les enfants et les adolescents. Nous sommes face à un désastre psycho-éducatif qui touche la majorité de la jeune génération.
On ne peut pas reprocher au gouvernement de ne pas vouloir agir, on peut néanmoins s’interroger sur le manque de célérité pour trouver des solutions effectives à un problème de société majeur. La prise de conscience n’est cependant pas totale puisque même si une majorité d’adolescents a pu avoir accès à de tels contenus, une grande majorité de parents est encore dans l’ignorance ou le déni.
Accès quasi illimité
L’accès quasi illimité à des contenus pornographiques par les mineurs est désormais un véritable problème de santé publique. En effet, c’est probablement le premier lieu de découverte de la sexualité pour les adolescents, avec des conséquences sur leur comportement sexuel et amoureux, avec un risque d’addiction et d’incidence sur leur vie conjugale future : dans un sondage OpinionWay d’avril 2018, 44 % des jeunes ayant déjà eu des rapports sexuels déclaraient avoir tenté de reproduire des scènes visionnées dans des films pornos.
Les politiques de prévention, associées à une kyrielle d’outils pour répondre à ce problème de santé publique auront un effet limité tant qu’on n’envisagera l’éducation sexuelle que sous le seul angle technique. L’école elle-même s’est montrée incapable d’assurer les trois séances d’éducation sexuelle annuelles pourtant inscrites dans la loi depuis 2001. Ce n’est pas là que les adolescents ont pu apprendre à se connaître, à comprendre l’autre sexe, à acquérir des repères pour leur construction psychoaffective ou à donner du sens aux pulsions et aux émotions qui les traversent.
Parents démunis
Il est donc temps que les parents eux-mêmes se réinvestissent pour transmettre la « grammaire de la vie » à leurs enfants. On comprend désormais que l’éducation affective et sexuelle est un sujet trop sensible pour la laisser faire par les écrans pourvoyeurs de sexe-consommation ou par des explications techniques tenant plus du mode d’emploi pour jouir sans entraves que d’une éducation vers plus de maturité et de responsabilité.
L’éducation à la vie affective et sexuelle échoit en premier lieu aux parents, premiers et principaux éducateurs de leurs enfants. Apprendre à aimer est bien le cœur de toute éducation, afin que chaque enfant puisse trouver son chemin de bonheur particulier.
Il n’y a pas de parent démissionnaire, mais de nombreux parents démunis, en particulier sur ce sujet délicat et intime sur lequel ils n’ont pas les mots. Soumis à un feu roulant d’injonctions contradictoires sur ce qu’il faut dire ou ne surtout pas dire, ils finissent par conclure qu’ils sont dépassés et gardent un silence prudent. Et pourtant eux-mêmes disent bien qu’ils auraient aimé que leurs propres parents leur transmettent de quoi répondre à leurs interrogations au fil du temps. Découvrir la sexualité dans des vidéos pornos quand on a 10 ans, ne pas savoir comment s’en protéger et ignorer même à qui parler de son mal-être n’est pas la meilleure façon de quitter l’innocence enfantine.
Transmettre ce que nous aurions aimé entendre
Nous, parents, avons non seulement le droit de transmettre cela à nos enfants, mais aussi le devoir. Nous leur avons donné la vie, donnons-leur aussi les éléments pour comprendre comment vient la vie entre un homme et une femme, c’est le moins que nous puissions faire !
Sans doute suffirait-il pour commencer de transmettre aux enfants ce que nous aurions simplement aimé entendre de nos propres parents : comment sommes-nous venus au monde, comment avons-nous été conçus, ce qu’il se passe à la puberté et pourquoi ? Parler de l’amour entre l’homme et la femme, de la confiance entre eux jusqu’à décider de s’aimer pour la vie et d’accueillir un enfant. Les prévenir contre les abus ou la confrontation à la pornographie sur les écrans. Rappeler les règles de respect à leur propre égard et aussi envers les autres en paroles et gestes. Valoriser leurs amitiés. Enfin, répondre à leurs questions, et ce d’autant qu’ils entendent, voire utilisent, beaucoup de vocabulaire sur les pratiques sexuelles, sans toujours savoir de quoi ils parlent.
Le rôle des associations
À l’adolescence, le propos sera moins direct. On parlera à propos d’une personne ou d’une situation tierce : « Tu en penses quoi ? Crois-tu qu’il ait bien fait ? » Les adolescents sont bien souvent écorchés vifs mais sans savoir dire ce dont ils auraient besoin.
Ils ont besoin d’être valorisés, alors même qu’ils ne se sentent pas toujours très bien dans leurs baskets et que les réseaux sociaux leur donnent, voire leur imposent, une image de perfection inatteignable. Ils ont besoin de savoir dire non plutôt que de devoir consentir à des gestes qui peuvent leur être imposés par la pression du groupe. Ils ont besoin d’être écoutés quand ils expriment leurs émotions, leurs doutes, leurs difficultés, en particulier sur les abus. Ils ont besoin d’être encouragés quand ils expriment leur volonté d’aimer en respectant l’autre, de vouloir vivre un grand amour, qui ne soit ni au rabais, ni à la va-vite. Il y a urgence à transmettre une éducation à l’amour !
Signataires :
Pascale Morinière, présidente de la Confédération nationale des associations familiales catholiques
Olivier Susplugas, président de TeenSTAR
Luc Jeanneney, ancien président de TeenSTAR
Claude Fruchart, président du Cler
Valérie Ternynck, association Parlez-moi d’amour
Inès Pélissié du Rausas, parcours Apprendre à aimer
Isabelle Goudot, Cycloshow-XY France