Source [Radio France] : L’auteur de bandes dessinées est visé par une enquête ouverte cette semaine par le parquet de Nanterre, suite à la plainte déposée par la Fondation pour l’enfance. Celle-ci dénonce le caractère pédopornographique de dessins contenus dans trois BD signées Bastien Vivès.
Après avoir vu l’exposition lui étant consacrée déprogrammée du festival d’Angoulême, Bastien Vivès voit désormais la justice se pencher sur ses dessins. Le parquet de Nanterre a annoncé ce vendredi l’ouverture d’une enquête préliminaire pour diffusion d’images pédopornographiques. Elle vise à la fois l’auteur de bandes dessinées et deux des maisons d’édition qui l’ont publié, à savoir Glénat et Les Requins Marteaux.
En décembre, le dessinateur de 38 ans, révélé par le Goût du Chlore en 2009 et auteur de nombreux romans graphiques, s’était retrouvé au cœur d’une intense polémique. Plusieurs pétitions en ligne réclamaient l’annulation de l’exposition « Dans les yeux de Bastien Vivès » à Angoulême, accusant l’auteur de « banaliser » et faire « l’apologie de l’inceste et de la pédocriminalité » dans plusieurs de ses ouvrages. Deux associations, Innocence en danger et Fondation pour l’enfance, avaient alors porté plainte, à Paris pour l’une, à Nanterre pour l’autre. C’est cette dernière qui a donné lieu à l’ouverture d’une enquête. À ce stade, la plainte déposée à Paris n’a pas été jointe aux investigations à Nanterre.
Trois bandes dessinées visées
De quels dessins parle-t-on ? De ceux contenus dans trois BD distinctes : Petit Paul (éd. éditions Glénat, 2018), La décharge mentale (éd. Les Requins Marteaux, 2018) et Les Melons de la Colère (éd. Les Requins Marteaux, 2011). La première a pour héros un jeune garçon doté d’un pénis démesuré, convoité par les femmes de son entourage qui lui imposent des relations sexuelles. La deuxième contient « des scènes d’agression sexuelles sur de très jeunes enfants« , souligne la Fondation pour l’enfance. Enfin, dans les Melons de la Colère, l’auteur met en scène une jeune fille mineure qui subit des viols et des agressions sexuelles à répétition. L’album présente également des « relations incestueuses », où « l’absence de consentement » est présentée « comme évidente », décrit la plainte.
« Images non-réelles »
Ces dessins peuvent-ils tomber sous le coup de la loi ? Apparue dans le code pénal en 1994, la pédopornographie a vu son champ d’application s’élargir (et les peines encourues s’alourdir) au fil du temps. Au départ, est réprimée la diffusion « d’image » à caractère pornographique d’un mineur. Quatre ans plus tard, la mention « représentation » est rajoutée au texte : cela permet d’élargir l’infraction à des images fictives. Ce que confirme, en 2007, la Cour de cassation qui doit alors se prononcer sur la diffusion d’un manga sur cassette VHS. L’arrêt en question précise que « des images non-réelles représentant un mineur imaginaire, c’est-à-dire des dessins » peuvent également constituer des images pédopornographiques, dont la diffusion est un délit punit de 5 ans de prison et 75 000 euros d’amende (c’est l’article 227-23 du Code pénal).
Depuis le début, les défenseurs de l’oeuvre de Bastien Vivès invoquent la liberté d’expression, soulignant que le style des dessins incriminés est proche du cartoon, et que l’effet comique des situations repose sur leur absence de crédibilité. Dans les excuses qu’il a publiées sur son compte Instagram, l’auteur assure « condamner la pédocriminalité ainsi que son apologie et sa banalisation ». Exprimant sa solidarité envers les victimes d’inceste, il explique que ses dessins « s’inscrivent dans un genre burlesque et humoristique ». Une ligne de défense qu’il devrait en toute logique conserver face à la justice.