Source [Boulevard Voltaire] : Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé du Numérique, a annoncé que la France allait bloquer l’accès aux sites pornographiques pour les mineurs. Cela passera par une « attestation numérique », dont les contours restent encore à définir. Anne-Sixtine Pérardel, conseillère en vie affective et auteur de Révolutionner sa vie affective (Artège), réagit à cette annonce.
Clémence de Longraye. Le 5 février, Jean-Noël Barrot, ministre délégué au numérique a annoncé que la France bloquerait bientôt l’accès aux sites pornographiques aux mineurs. Est-ce une bonne nouvelle ?
Anne-Sixtine Pérardel. Oui, c’est une bonne nouvelle. J’ai fondé l’association Déclic – sortir de la pornosphère car il y avait un enjeu de santé publique à prendre en main pour notre société. Le gouvernement commence à être sérieux sur ses propositions de protection de l’enfance et c’est une très bonne idée.
C.de L. Cela suffira-t-il à endiguer le fléau du porno chez les mineurs ?
A-S. P. C’est certain que non. On est sur un travail de longue haleine où il va falloir beaucoup de temps et beaucoup de fermeté, ce n’est pas encore complètement le cas aujourd’hui. Mais ce qui est certain, c’est qu’on va supprimer petit à petit notamment le fait de tomber par hasard sur la pornographie. Cela représente environ 40 à 70 % des enfants selon les statistiques. Si déjà on enlève les consommateurs involontaires, ceux qui n’ont pas choisi de tomber sur de la pornographie, on aura déjà une protection de l’enfance effective.
C.de L. L’Exécutif a annoncé qu’une attestation numérique serait nécessaire pour accéder au site pornographique. N’y aura-t-il pas un problème sur les données personnelles ?
A-S. P. Il y a de nombreuses craintes depuis plusieurs années, comme la crainte d’entraver la liberté des adultes de consommer du porno, la crainte d’une efficacité relative, etc. La vraie question est : dans les manières de faire, quels sont les moyens qui seront efficaces ? Bien sûr ils ne remplaceront pas l’éducation affective et sexuelle qui est nécessaire pour donner des repères positifs sur la sexualité et fait également de la prévention. Ces étapes vont permettre la sensibilisation de la population générale sur les conséquences de la consommation de la pornographie. On a oublié ces questions ces dernières années, elles sont en train de ressortir de manière flagrante.
C.de L. Pourquoi est-il urgent de lutter contre la pornographie chez les mineurs ?
A-S. P. Aujourd’hui, la pornographie sert d’éducation sexuelle, or le discours de la pornographie introduit l’idée que la violence est normale et fait plaisir. C’est une distorsion psychologique. On inverse le sens des valeurs. Normalement, dans une sexualité saine, il ne doit pas y avoir de violence. La pornographie banalise cette violence. En raison de l’immaturité physique, psychique et intellectuelle d’un enfant ou d’un adolescent, certains sont traumatisés. On parle de viol psychique car ils ne sont pas du tout en mesure de gérer intérieurement les images hyper stimulantes que la pornographie renvoie sur la sexualité. Les enfants sont touchés de plus en plus tôt. Ils ne connaissent pas la réalité et la beauté de la sexualité et connaissent le côté violent comme premier repère pour leur propre vie