Atlantico : « Porn Laid Bare », un documentaire de la BBC, revient sur le monde de la pornographie et tire un constat inquiétant de l’influence du porno sur la sexualité des jeunes. Ce documentaire de la BBC affirme notamment qu’un quart des gens regardant du porno y seraient dépendants. Comment fonctionne cette addiction à la pornographie ? Est-ce réellement une nouveauté?
Michelle Boiron : On peut effectivement parler de nouvelles addictions concernant la pornographie. De quoi s’agit’il ? Traditionnellement, l’addiction suppose une dépendance vis à vis d’un produit, plutôt que d’une activité. Le développement d’Internet, la création d’univers virtuels extrêmement sophistiqués et prégnants, l’hypersexualisation de la société, ont créés des addictions comportementales dont la pornographie est la plus toxique. La société a mis du temps à valider ce phénomène d’addiction sans produit. En matière d’addiction sans drogue se pose la question de la frontière entre le normal et le pathologique. Le processus est insidieux, il a pour conséquences de retarder le moment où le caractère pathologique de l’excès est reconnu et admis par le sujet. Le sujet reste longtemps dans le déni de l’addiction. Il pense être libre d’arrêter quand il veut. Hélas et c’est très préoccupant nos jeunes sont aujourd’hui confrontés de plus en plus tôt et donc initiés à la sexualité par le visionnage de films pornographiques. On est bien loin de l’initiation et des rituels qui permettaient aux adolescents de découvrir les plaisirs de la chair par le flirt et la découverte de la sexualité progressive. Ils sont exposés à des scènes sexuelles virtuelles qui les effractent et qui laissent dans leur cerveau des traces indélébiles d’une excitation abyssale qu’ils chercheront à reproduire dans la vraie vie. L’illusion d’atteindre le nirvana confère à un produit la toute puissance de créer de la jouissance. L’objet est un leurre fut il incarné par un être en chair. Cela va pourtant inaugurer un type de fonctionnement inconscient pour tout un chacun. Certains êtres fragiles dont les enfants risquent, et c’est tout l’enjeu aujourd’hui de la prévention, d’y être entraînés de manières insidieuses. Ce qui au début constitue pour eux un soulagement à la souffrance, à l’angoisse va par le plaisir, l’excitation qu’il en re »tire » glisser vers une répétition incontrôlable. Insidieusement la dépendance s’inscrit. Pris dans un processus de fuite la maladie addictives va jusqu’à occulter les causes, le sens profond de la conduite agit. Avant on parlait de rencontre fortuite avec le produit aujourd’hui c’est plutôt une incitation via les réseaux dont les jeunes sont victimes ! La banalisation du visionnage de films pornos est la responsabilité de la société. « Tout le Monde en regarde » est la phrase qui revient le plus souvent y compris des jeunes femmes qui n’y voient pas d’inconvénient jusqu’au jour où elles tombent sur le contenu visionné…. Il est urgent de prévenir des risques encourus pour tout le monde de 7 à 77 ans. L’addiction au porno peut intervenir à n’importe quel âge de la vie d’un homme. Il n’y a pas de vaccin contre cette épidémie…
Comment se traduit cette addiction à la pornographie, notamment les films plus explicites, sur la sexualité des jeunes ?
La sexualité des jeunes aujourd’hui est de toutes façons exposée aux problèmes de performances avec ou sans visionnage de films pornos. Le monde virtuel par Internet via la pornographie ne traduit pas à lui seul la crise profonde des représentations du sexe, mais il touche à l’image de soi et modifie le sens de l’acte sexuel et sa finalité qui touche à l’existence même de l’individu.
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