Ah l’amour ! La magie de la rencontre, les papillons dans le ventre et tout ça. C’est encore ce à quoi beaucoup d’hommes et de femmes rêvent. Mais aujourd’hui, la flèche de Cupidon à la sauce moderne répond aux noms de Tinder, d’Adopte un mec, de Grindr ou encore de Meetic. Et sur les applications de rencontres, le monde se divise en deux catégories, celles et ceux qui y vont pour trouver l’âme sœur et les autres qui y vont pour « choper ». Il y a aussi les indécis, qui malgré de belles rencontres continuent frénétiquement de « swiper », des fois qu’ils trouveraient mieux.
Dans ce supermarché des rencontres où tout démarre sur un écran, ne finit-on pas par développer une vision déshumanisée des rapports humains ? Notre quête de likes et de matchs ne finit-elle pas par bousiller l’estime de soi ? La sexualité reste-t-elle la même quand on « swipe » plus vite que son ombre ? Si de nombreux couples heureux et amoureux sont nés d’un « match » qui a changé leur vie, les applis de rencontres ne virent-elles pas au mirage amoureux ?
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Une modification des rapports humains
Sans aucun doute, « les applis de rencontres ont changé la donne, estime le Dr Patrick Papazian, sexologue et auteur de Parlez-moi d’amour (éd. L’Opportun). Elles fonctionnent sur un modèle d’avatar, une version digitale et améliorée de soi, et on y est jugé sur des signes extérieurs, sur le physique. Et surtout, ces applis introduisent une culture du zapping dans la rencontre. On décide en une seconde à peine, le temps de « swiper », si la personne qui apparaît sur l’écran peut nous plaire ou pas : on se prive ainsi d’une infinité de possibilités de rencontres, déplore le sexologue. Et ces réflexes visuels vont se reproduire dans la vraie vie. Les rapports humains se trouvent modifiés par ces applis en ce qu’elles changent notre propre capacité à être séduit : la notion de charme, de jeu de regard, de hasard du moment — tout ce qui fait la magie de la rencontre — est ici balayée par cette multitude d’avatars sur lesquels on swipe frénétiquement ».
Une modification qui se retrouve jusque dans la pratique quotidienne de la vie à deux. « J’ai fait plusieurs rencontres via des applis pendant mes études, je venais de débarquer dans une grande ville alors c’était plus simple pour faire des rencontres, raconte Léa. Mais ce qui est frappant, c’est que même en couple, jusqu’à ma dernière rencontre, j’ai continué à aller sur les applis de rencontres, pour me rassurer sur ma capacité à séduire quand ça n’allait pas et que je sentais moins d’investissement dans ma relation, cela me divertissait, confie la jeune femme. Mais cela a faussé ma vision du couple : au lieu de travailler sur les difficultés de ma relation, j’allais plutôt m’évader dans des flirts virtuels. Il y a tellement de choix, c’est tellement accessible et facile ! On a l’impression d’une grande intimité grâce aux applications, on discute quand on veut. Mais créer des liens dans la vie réelle prend plus de temps, demande plus d’investissement et on éprouve une forme d’impatience quand on construit une relation ».
Hypersexualisation, déshumanisation et « miroir grossissant »
Cet impact sur les rapports humains, on le retrouve aussi dans l’approche de la sexualité, ultra-libéralisée, voire déshumanisée. Et, comme le rappelle la sociologue Eva Illouz, les applis et sites de rencontres constituent aujourd’hui « un libre marché des rencontres sexuelles ». Sur ce marché régi par la loi de l’offre et de la demande, où la tentation de trouver mieux se double de la crainte de ne trouver personne, difficile de ne pas développer de troubles du désir et de l’estime de soi.
Fidèle utilisateur de Tinder depuis six ans et « 150 rencontres plus tard », Jérôme n’a toujours pas rencontré sa moitié. Les rencontres se suivent et se ressemblent. « La plupart du temps, on se rencontre chez moi. Si le feeling passe elle y passe la nuit ». 84 nuits avec 84 femmes plus tard — « toutes répertoriées dans un petit carnet » —, rien n’a changé. « Si l’on a une âme de « collectionneur », faire des rencontres sur une appli aura un effet de miroir grossissant », observe le Dr Papazian.
Et sur ce marché libre du sexe, la liberté peut être synonyme de propos cash, trash, et peut s’accompagner de comportements à tout le moins goujats voire agressifs, dans une désinhibition favorisée par la distance que met l’écran.
Retrouvez l’intégralité de cet article sur le site de 20 Minutes : Drague, sexualité, couple… Comment les applis de rencontres affectent les rapports humains
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