A Pâques, ou à la Trinité… Le projet britannique visant à instaurer le contrôle de l’âge des mineurs à l’entrée des sites pornographiques a pris du retard. Près de deux ans après l’adoption d’une loi obligeant les fournisseurs de bloquer l’accès des moins de 18 ans, le gouvernement du Royaume-Uni n’envisage rien de concret avant la fin avril – aux dernières nouvelles – et les exploitants des sites de porno en ligne auront encore un bon délai pour mettre les choses en place. Si jamais la chose se fait – puisqu’il faudra au préalable l’accord du Parlement… Alors, fausse bonne idée ?
C’est l’avis de La Tribune qui reprend des critiques circulant dans la presse d’outre-Manche. « Exemple à ne pas suivre », assure François Manens. Le principal grief fait aux modes d’identification des internautes n’est pas sans fondement, puisque la société AgeID, qui s’annonce comme le principal prestataire de services, appartient au groupe MindGeek, « qui possède Pornhub, RedTube ou encore YouPorn », les principales plateformes de contenus pornographiques fréquentés par les Britanniques.
Quand les marchands de porno sont chargés de bloquer l’accès des mineurs
Un marché juteux, soit dit en passant. Pornhub, plateforme la plus importante, recevait 64 millions de visiteurs par jour en 2017, les Britanniques constituant sa deuxième base de clientèle par pays.
AgeID se trouverait ainsi dans la situation intéressante de pouvoir facturer ses services à des plateformes concurrentes de moindre envergure, qui n’ont pas les moyens de mettre en place leurs propres bloqueurs qui devront en tout état de cause recevoir l’agrément du British Board of Film Classification.
Mais en outre, AgeID, à l’instar des trois autres services d’identification actuellement sur le marché, obtiendrait des détails du plus haut intérêt « marketing » sur les utilisateurs : copie de carte d’identité, passeport ou permis de conduire, numéro de carte bancaire, et pourquoi pas historiques de navigation, identification des préférences dans le domaine du « x »…
L’avantage commercial est certain. Quid des failles de sécurité, cependant ? Le système exposerait les usagers du porno au risque de voir mis au jour leurs honteuses manies. Chantage en vue ! D’aucuns suggèrent qu’il vaudrait mieux voir un service public prendre en mains les procédures de blocage des mineurs. Dans tous les cas de figure, Big Brother est embusqué.
Le Royaume-Uni peine à mettre en place des bloqueurs de porno sur internet
Le système sera-t-il efficace ? C’est une autre question posée par La Tribune. « La loi britannique limite le filtre aux “sites pornographiques commerciaux”. Sans rentrer dans le détail, cette définition exclut le contenu diffusé sur les réseaux sociaux comme Twitter, Reddit ou Snapchat. » De fait, les jeunes ont autant, voire davantage de risques de trouver des images ou des films obscènes sur ces réseaux sociaux qui ne filtrent pas les contenus que sur des sites pornographiques à part entière. Savent-ils en outre jouer du VPN pour faire mine de consulter – librement, cette fois – des sites depuis l’étranger ? Quoi qu’il en soit, le système est très loin d’être infaillible.
Sans surprise, on hurle aussi à la censure. Si les contenus pornographiques sont filtrés ou qu’on en bloque l’accès, qu’en sera-t-il demain des contenus politiques ? En réalité, cette censure existe déjà : le politiquement correct traque bien plus volontiers le « racisme » sous toutes ses formes que la pornographie, considérée comme une marchandise légitime dès lors qu’elle est offerte à un public adulte.
Tout le problème est là.
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