Non seulement la pornographie a un impact sur les femmes de l’industrie du sexe, mais elle nuit aussi à la société dans son ensemble. Ce que nous constatons à une très vaste échelle.
Le porno est considéré comme un droit, non seulement par le lobby de l’industrie du sexe, mais aussi par beaucoup de progressistes. Malgré le nombre de gauchistes qui se disent sensibles aux enjeux de justice sociale, on les voit continuer à soutenir une industrie fondée sur une exploitation incroyable et qui aggrave les inégalités auxquelles sont confrontées les femmes dans la culture patriarcale. Produire et regarder de la pornographie est présenté comme libérateur pour les deux sexes, et plus particulièrement pour les femmes auxquelles il est souvent dit que la pornographie est un moyen autonomisant d’exprimer leur sexualité. À cet égard, l‘industrie du porno agit comme un puissant lobby, mais il en va parfois de même pour des femmes ordinaires — qui se disent pourtant « féministes ».
Les femmes encouragées à « s’approprier » le porno
Dans un documentaire britannique intitulé Mums Make Porn, on voit des spectateurs insulter une mère qui renonce à tourner un film porno après avoir réalisé qu’elle s’en sentait incapable, que cela la mettait trop mal à l’aise.
Au contraire, la réalisatrice pornographique « féministe » Erika Lust, qui prétend placer les femmes « au premier rang du cinéma adulte », est régulièrement applaudie dans les médias de son pays. Pour sa part, l’actrice Rashida Jones, productrice d’un documentaire critique de l’industrie du porno, et qui a critiqué publiquement « la pornification de tout », a été sauvagement attaquée en ligne. En conséquence, elle est revenue sur ses propos. Critiquer la pornographie n’a plus la cote. Au contraire, les femmes sont encouragées à l’adopter et à se l’approprier. L’avenir est dans la « pornographie féministe », nous dit-on. Et les femmes qui s’inquiètent à l’idée que leurs partenaires masculins consomment de la pornographie sont accusées d’être coincées et prudes. « Tous les hommes le font — ce n’est pas grave », nous dit-on.
Mais tandis que les avantages de la pornographie sont vantés sur toutes les tribunes, on passe sous silence des arguments légitimes et scientifiquement étayés qui révèlent son impact néfaste sur la société.
Le lien entre la pornographie et la prostitution, constamment occulté, en est un exemple évident. Une étude financée par le ministère américain de la Justice a révélé que les hommes ayant regardé de la pornographie au cours de la dernière année sont plus susceptibles de payer pour avoir des rapports sexuels que les autres. L’étude a montré que les hommes qui vont voir des prostituées ressentent « un sentiment de droit au sexe » et considèrent avoir un « droit à l’accès sexuel ». Lorsque ces clients se présentent, ils amènent souvent des images pornographiques, pour montrer aux femmes qu’ils exploitent ce qu’ils attendent d’elles.
« Tout ce que tu ne peux pas obtenir de ta copine ou de ta femme,
tu peux l’obtenir d’une prostituée. »
Dans une étude de Rachel Durslage et al. menée en 2008, Deconstructing The Demand For Prostitution (Déconstruire la demande pour la prostitution), un client de Chicago est cité ainsi : « Je veux payer quelqu’un pour faire quelque chose qu’une personne normale ne ferait pas. Pisser sur quelqu’un ou payer quelqu’un qui n’est pas ma petite amie pour faire quelque chose de dégradant ». Un autre : « Tout ce que tu ne peux pas obtenir de ta copine ou de ta femme, tu peux l’obtenir d’une prostituée. »
Mais la pornographie n’a pas qu’un impact sur les femmes du commerce du sexe — elle nuit à la société entière, et nous en constatons les effets à grande échelle.
La pornographie est l’un des piliers du patriarcat — dans une société où les femmes sont déjà massivement réduites à l’état d’objets, le porno renforce leur statut d’infériorité. En exposant constamment les femmes comme des objets de plaisir hyperféminins, hypersexuels et hypersoumis, plutôt que comme de véritables êtres humains ayant leurs propres émotions et besoins, la pornographie creuse le fossé entre les sexes, détruit l’intimité hétérosexuelle, déprécie le statut des femmes et sape la confiance interrelationnelle.
La critique féministe de la pornographie
Étant donné que certaines des catégories les plus populaires du porno montrent des femmes sur qui on crache, qui ont des rapports sexuels avec des animaux, que l’on étrangle ou que l’on gifle, ou qui pleurent lors de relations anales douloureuses, ainsi que des agressions sexuelles et de l’inceste infligés à des adolescentes, il est difficile de comprendre comment quiconque pourrait conclure que la pornographie ne contribue pas à la violence sexuelle, à la maltraitance d’enfants ou aux attitudes des hommes envers les femmes.
Nous sommes apparemment surpris par la prévalence continue du harcèlement sexuel, mais quand 90 pour cent des hommes ont déjà visionné du porno avant l’âge de 18 ans, est-ce vraiment si étonnant que les agressions sexuelles prolifèrent au stade épidémique sur les campus universitaires ? Tandis que la société peine à encaisser le #MeToo, la pornographie continue de normaliser la violence sexuelle envers les femmes.
Lire la suite de cet article de Thain Parnell, blogueuse féministe sur Mediapart : Le porno a une foule de conséquences nocives. Lien vers la version d’origine (en anglais) : Porn has wide-ranging ramifications — we need to do something before it’s too late
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