Nous vous en parlions, le 8 mars dernier a eu lieu une manifestation devant les bureaux de MindGeek, propriétaire du site Pornhub, à Montréal.
Demandant la fermeture de l’entreprise pour répondre à des allégations de trafic d’êtres humains et de complicité d’abus sexuels, plusieurs personnalités ont pris la parole, notamment Megan Walker, du London Abused Women’s shelter, la sénatrice Julie Miville-Dechêne, Diane Matte, fondatrice de CLES, Maylissa Luby, conseillère en intervention avec La Sortie, Glendyne Gerrard, coordonatrice de Defend Dignity ou encore Valérie Tender, militante CLES. A la suite de cette manifestation, qui a obtenu une belle médiatisaton, la sénatrice Julie Miville-Dechêne avait notamment été interviewée par plusieurs chaînes de télévision.
Bien entendu, la fermeture de MindGeek n’apparait pas comme un objectif réaliste. Mais à tout le moins, un groupe de plusieurs parlementaires a cosigné une lettre au Premier Ministre Justin Trudeau (reproduite plus bas), dans laquelle il demande de responsabiliser les sites web et légiférer afin de faire retirer les vidéos de personnes mineures et/ou non consentantes.
L’espoir est permis, puisque le ministre du patrimoine, Steven Guilbeault, avait abordé le sujet dans un article publié sur Radio Canada le 10 mars.
Nous agissons au Canada !
Il est évidemment scandaleux que nos enfants obtiennent leur éducation sexuelle et affective par la pornographie, mais c’est pourtant ce qui se passe.
Pierre Beauregard, le référent de Stop au Porno au Canada, a profité de cette médiatisation pour continuer son effort de protection de la jeunesse. Il est désormais en recherche de députés qui appuieraient un projet de loi émanant d’un député visant la vérification efficace de l’âge. Rappelons que l’Angleterre a passé un projet de loi en 2017 (Digital Economy Act), le parlement Australien a entamé des procédures en ce sens, et de plus en plus de pays s’activent en ce sens. Le Canada devrait montrer l’exemple.
Il faut toutefois le marteler : il est clairement possible, inspirés de l’Angleterre et d’autres pays, de légiférer afin que soit mise en place pour les sites pornographiques, une vérification de l’âge comme elle existe déjà dans le monde physique et sur certains sites web, tel les casinos en ligne etc…
Nous continuons donc le combat avec vaillance de chaque coté de l’Atlantique !
Voir la lettre au Premier Ministre adressée par plusieurs parlementaires le 9 mars 2020 :
Le très honorable Justin Trudeau, C.P., député
Premier ministre du Canada
Chambre des communes
Ottawa (Ontario) K1A 0A6
Monsieur le Premier Ministre,
Tout d’abord, nous félicitons le Canada pour sa participation à l’élaboration et au lancement, le 5 mars 2020, des principes volontaires pour lutter contre l’exploitation et la violence sexuelles en ligne à l’endroit des enfants, qui prévoient des mesures à prendre par les entreprises technologiques pour protéger les enfants contre l’exploitation sexuelle en ligne.
Aujourd’hui, nous vous écrivons pour vous demander de tabler sur cette démarche afin d’empêcher que les femmes et les jeunes, et en particulier ceux et celles qui sont victimes d’exploitation sexuelle à l’endroit des enfants, de la traite des personnes à des fins sexuelles et d’agression sexuelle, soient en plus exploités en ligne.
Pornhub, propriété de la société MindGeek, située à Montréal, est le plus grand site Web du monde à produire, rendre disponible et distribuer du contenu sexuellement explicite; il reçoit 42 milliards de visites par année et 6,8 millions de vidéos y sont téléchargées par année. Nous avons appris que certaines de ces vidéos montrent des actes réels d’exploitation de femmes et de mineurs. Dans plusieurs cas, Pornhub a soit refusé de retirer ces vidéos soit tardé à le faire dans un délai raisonnable.
Une enquête menée à la fin de l’année dernière par le journal britannique Sunday Times a trouvé des « dizaines » de vidéos illégales d’exploitation sexuelle d’enfants sur Pornhub en quelques « minutes ». Certaines de ces vidéos illégales étaient sur la plateforme depuis plus de trois ans. Suivant l’enquête, PayPal a mis fin à ses services à Pornhub en novembre 2019.
Au cours des derniers mois, les médias ont fait état d’autres vidéos mises en ligne sur Pornhub où l’on voit des victimes d’agression sexuelle, de la traite des personnes à des fins sexuelles et d’exploitation sexuelle à l’endroit des enfants, dont ceux-ci :
- Une jeune fille de 15 ans victime de la traite des personnes et disparue depuis un an a été retrouvée après la découverte en ligne de 58 vidéos où on la voit se faire violer et subir d’autres violences sexuelles, dont un bon nombre sur Pornhub.
- Vingt-deux victimes de sexe féminin ont été incitées à se filmer en train de s’adonner à des actes sexuels et les vidéos ont par la suite été téléchargées sur Pornhub. Les contrevenants ont été accusés de traite des personnes.
- L’agression sexuelle et la torture d’une jeune Autochtone de 14 ans ont été filmées et les vidéos ont été téléchargées sur Pornhub, qui a hébergé ces vidéos pendant des mois malgré des demandes répétées pour les retirer.
- Le viol d’une jeune fille de 14 ans par une femme de 49 ans a été filmé et la vidéo a été téléchargée sur Pornhub.
- L’agression sexuelle d’une victime de violence conjugale a été filmée et la vidéo a été téléchargée sur Pornhub.
Chaque fois que quelqu’un regarde ces vidéos, dont beaucoup ont été vues des centaines de milliers de fois, les victimes sont revictimisées. C’est extrêmement préjudiciable pour les personnes exploitées.
La capacité de Pornhub, et d’autres entreprises en ligne, de publier pareil contenu et, dans certains cas, de tirer profit de crimes commis à l’encontre d’enfants, de victimes d’agression sexuelle et de la traite des personnes à des fins sexuelles, est fondamentalement contraire à toute démarche visant à améliorer l’égalité des sexes au Canada et à protéger les femmes et les jeunes contre l’exploitation sexuelle.
Par ailleurs, ces vidéos sont disponibles en ligne parce que Pornhub vérifie l’adresse courriel des créateurs de comptes et n’exige pas la vérification de l’âge ou du consentement de chaque personne apparaissant dans les vidéos.
Le gouvernement du Canada a le devoir de s’assurer que les personnes apparaissant dans des vidéos au contenu sexuellement explicite qui sont téléchargées et publiées par des entreprises situées au Canada ne sont pas des enfants ou des victimes de la traite des personnes ou d’agression sexuelle. Qui plus est, le gouvernement du Canada a le devoir d’enquêter sur ceux qui produisent, rendent disponible, distribuent et vendent du contenu sexuellement explicite où l’on voit des victimes d’agression sexuelle, de la traite des personnes à des fins sexuelles et d’exploitation sexuelle des enfants.
Nous soussignés, sénateurs et députés, exhortons le gouvernement du Canada à :
- Examiner le cadre législatif et réglementaire fédéral afin que les lois canadiennes interdisent complètement la distribution de contenu où l’on voit des victimes d’exploitation sexuelle des enfants, de traite des personnes à des fins sexuelles et d’agression sexuelle.
- Faire en sorte que les activités de MindGeek soient conformes aux lois canadiennes, dont le projet de loi C-22, Loi concernant la déclaration obligatoire de la pornographie juvénile sur Internet par les personnes qui fournissent des services Internet, entré en vigueur le 8 décembre 2011, et le projet de loi C-13, Loi sur la protection des Canadiens contre la cybercriminalité, entré en vigueur le 10 mars 2015.
- Prendre toute autre mesure nécessaire pour obliger les entreprises qui vendent, produisent, rendent disponible ou publient du contenu sexuellement explicite à vérifier l’âge et le consentement de chaque personne apparaissant dans le contenu en question.
Nous sommes résolus à travailler avec le gouvernement afin de protéger les femmes et les jeunes, et, en particulier, d’empêcher que les victimes d’exploitation sexuelle des enfants, de la traite des personnes à des fins sexuelles et d’agression sexuelle soient en plus exploitées en ligne et afin de remédier sans attendre à cette situation.
Nous vous remercions de votre prompte attention à cette affaire et vous prions d’agréer, Monsieur le Premier Ministre, l’assurance de notre très haute considération.
Julie Miville-Dechêne, sénatrice Frances Lankin, sénatrice Arnold Viersen, député
Sénatrice indépendante – Québec Sénatrice indépendante – Ontario Peace River—Westlock
Kim Pate, sénatrice Rosemarie Falk, députée Cathay Wagantall, députée
Sénatrice indépendante – Ontario Battlefords—Lloydminster Yorkton—Melville
John McKay, député Dr Colin Carrie, député Tom Kmiec, député
Scarborough—Guildwood Oshawa Calgary Shepard