L’association Stop au porno dispose d’une cellule d’écoute (07-61-30-95-39) pour assister les porno-dépendants, leurs proches et toute personne demandeuse de conseils. Paul, notre bénévole a répondu à plusieurs questions sur son action. Il ne s’agit pas d’un avis médical, mais bien d’un retour d’expérience.
- Bonjour Paul, peux-tu présenter ton action dans la cellule d’écoute de Stop au porno ?
En tant que bénévole de la cellule d’écoute de Stop au porno,je me tiens à la disposition des personnes souhaitant s’ouvrir à quelqu’un de leurs difficultés pour se sortir de l’engrenage du porno. Cela se fait par téléphone afin de garantir un anonymat qui peut aider à se confier, cette addiction restant très dure à assumer.
En plus des appels de porno-dépendants, je peux aussi recevoir ceux de certains de leur proches, qui souhaitent les aider, les conseiller, ou comprendre la dynamique de ce mal.
Les conversations sont aussi variées que les interlocuteurs, certains cherchant davantage à parler pour se soulager et rompre l’effet d’isolement et d’enfermement très réel dans ce domaine.
D’autres demandent des conseils ou des pistes afin de se faire aider : pour répondre à cet aspect plus « technique » que la seule écoute, je m’appuie sur les écrits qui commencent à être nombreux sur le sujet, et/ou les oriente vers les professionnels (pas aussi nombreux, malheureusement…) maîtrisant le problème.
- Quels sont les profils des porno-dépendants ?
Ils sont aussi variés que notre société, de tous âges, de toutes conditions et croyances religieuses.Ce sont majoritairement des hommes, même si les femmes peuvent aussi être touchées. Toutefois, le principe de fonctionnement de la cellule ne permet pas d’en tirer une extrapolation statistique, car n’appellent que les personnes convaincues de la nocivité du porno ET souhaitant s’en sortir : deux conditions, je devrais même dire deux murailles, que peu parviennent à franchir, la première étant puissamment consolidée par la normalisation et diffusion outrancière de la pornographie dans nos sociétés. La naïveté, pour ne pas dire l’aveuglement volontaire, ou encore pire, idéologique, de nos structures politiques et sanitaires sur le sujet est dramatique.
Ce qui est certain, c’est que les porno-dépendants sont pour l’écrasante majorité des gens normaux : ni des pervers, ni des personnes psychologiquement fragiles, et qui pour certains y sont même tombés involontairement. Il faut être réaliste : absolument tous les milieux sont touchés, le raisonnement « heureusement que chez nous cela n’arrive pas ! » est pire que faux, il est dangereux car empêche autant la prévention que le traitement.
- Comment ces personnes tombent-elles dans une addiction si grave ?
La grande variété de profils s’uniformise de façon sidérante lorsque l’on pose cette question : sans une hésitation, cette addiction commence systématiquement dans l’adolescence (quand ce n’est pas plus tôt). Les adultes découvrant le porno développeront peu, ou beaucoup moins, d’addiction grave. En revanche, le contact avec n’importe quelle forme de pornographie dans ces années de construction de l’être que sont celles de l’adolescence engendre une très forte dépendance si une éducation saine et positive de la sexualité n’est pas venue auparavant « immuniser » la personne.
Que l’on ne se trompe pas de combat : la réaction à cet état de fait n’est pas d’amplifier le tabou et de tenter de préserver nos enfants, même si de sains « gestes barrières » peuvent être mis en place. Il ne fait donc aucun doute qu’un jour ou l’autre, tout enfant y sera confronté. L’urgence n’est pas dans le confinement, si je puis me permettre cette comparaison, elle est dans le vaccin : une vraie éducation au respect du corps, de l’autre, à la beauté de la sexualité. Et en la matière, mieux vaut un an trop tôt qu’un jour trop tard.
- Quels sont les conseils que tu donnes aux porno-dépendants ou à leur proche ?
Ne pas se battre seul ! Un blessé grave peut-il se soigner lui-même ?Il y a tout d’abord une phase préliminaire et indispensable à passer, c’est de sortir du déni, en prononçant cette simple phrase : « Oui, je suis dépendant au porno ». C’est la prise de conscience préalable.
La première véritable étape, fondatrice, est de parler, de vaincre le « démon muet ».
La seconde, de retrouver la confiance et l’estime de soi-même, souvent les premières victimes de l’addiction : il faut pour cela considérer que l’on ne se résume pas à nos actes, encore plus s’ils sont mauvais et nous font souffrir.
Et en troisième phase, il faut se mettre à l’œuvre. C’est dans ce cheminement que l’on retrouve la paix. Contrairement à d’autres addictions comme la cigarette ou la drogue, par exemple, il n’est pas vrai d’imaginer qu’entre l’addict et sa libération se trouve un sevrage long et douloureux. La sérénité et la confiance peuvent très vite revenir, malgré d’éventuelles et inévitables rechutes. Et pour cela, l’appui d’un proche, d’un ami, d’un conjoint ou d’un professionnel est indispensable.
Pour les proches, surtout s’il s’agit du conjoint, qu’ils ne transigent pas avec le mal mais n’enferment pas le porno-dépendant dans cette seule acception. Il ne faut pas mettre le problème sous cloche ou tenter de négocier avec la consommation du porno, mais comme pour un blessé, il faut savoir rester à son chevet, avec bienveillance et affection, mais fermeté. Il faut aussi savoir que si l’addict a besoin d’écoute et d’attention, le conjoint (qui se sent bien souvent trahi) doit aussi savoir prendre en compte ses émotions et ses attentes, et en faire part.
Un dernier mot pour donner confiance à tous ceux qui pourraient être tentés de rester enfermés dans la grotte noire de leur désespoir : si l’un de vos amis venait vous demander de l’aide, quel serait votre sentiment dominant à son égard ? Le mépris ou l’admiration pour un tel acte de confiance et de courage ? La réponse est évidente. De plus, cet élan de fierté personnelle face à l’implacable cruauté de l’addiction vous donnera l’impulsion nécessaire à la remontée vers la surface.