Source [La Croix]
Essayiste catholique, auteur des Bons Chrétiens (Salvator, 2021), Jean de Saint-Cheron pense que le prochain président devrait s’attaquer en priorité à la question de l’exploitation sexuelle filmée. Il soutient que face à l’industrie pornographique, le combat n’est pas « perdu d’avance ». Présidentielle : les idées de la société civile.
Peu de domaines recoupent autant de préoccupations contemporaines que la pornographie : violences faites aux femmes ; abus sur mineurs ; déséquilibres psychoaffectifs ; écrans et dépendance ; imposition de normes comportementales ; économies parallèles et systèmes mafieux.
Phénomène massif qui marque les esprits et les corps, impressionne la mémoire et engendre des brutalités cauchemardesques, le porno est aussi une poule aux œufs d’or. Seuls les irréalistes, les hypocrites ou les imbéciles diront qu’on peut toujours faire la part des choses. Que le dévoiement du rapport amoureux en objet bestial et précaire, tant qu’il est consenti, n’a pas d’implication dans une manière d’être au monde et de se construire.
Mais notre société paraît atteinte d’un trouble de personnalité multiple, monstre bicéphale qui d’un côté exhorte au respect des femmes et à la protection de l’enfance, et de l’autre minimise, relativise, oublie que la cohérence exigerait qu’on lui sucre son petit plaisir du soir. Car beaucoup sont concernés.
Volonté politique
En France, l’âge moyen du premier accès à une vidéo pornographique est de 11 ans. La consommation de « X » concerne 70 % des garçons de 15 à 18 ans et la moitié des filles du même âge. Et 44 % des mineurs ayant des rapports sexuels déclarent reproduire des pratiques qu’ils ont vues dans des vidéos pornographiques. Y a-t-il une réelle volonté politique de protéger l’enfance ? De défendre la dignité des femmes et des innombrables victimes de violences sexuelles ?
Mais outre la grave question de l’accès des mineurs à la violence de telles images, le porno est un grand méchant dont le masque se fissure par à-coups, au gré en particulier du combat contre les violences faites aux femmes. Car il s’agit de proxénétisme, de viol, de harcèlement. Le consentement supposé masque des viols sans nombre, et les paillettes du fun et du plaisir sont jetées sur les eaux saumâtres d’un monde qui tire sa prospérité de l’avilissement de la personne humaine.